Philippe Lesclous
The Relationship between resting arterial blood pressure and oral postchirrugical pain.
Deschaumes C., Devoize L., Sudrat Y., Baudet-Paumel M., Dualé C., Dallel R.
Clin Oral Invest 2015, 19 :299-305.
Résumé :
Malgré les progrès dans la prise en charge des douleurs postopératoires chirurgicales, celles-ci restent une source non négligeable de douleurs aiguës puis chroniques. Dans ce domaine et pour un même type d’intervention chirurgicale, il existe une variabilité inter-individuelle très importante. Les auteurs ont donc décidé de s’intéresser à une variable individuelle, la pression artérielle, qui d’après la littérature existante serait associée à la perception douloureuse. Cependant les données disponibles sont ambiguës voire contradictoires, certaines montrant une association inverse entre pression artérielle au repos et douleurs postopératoires aiguës alors que d’autres retrouvent bien une relation positive entre les deux chez des patients souffrant de douleurs chroniques temporo-mandibulaires.
Cette étude prospective observationnelle a été menée chez des patients adultes lors d’avulsions dentaires sous anesthésie locale. Les caractéristiques démographiques habituelles dans ce genre d’étude (sexe, âge, poids, indice de masse corporelle) ont été collectées ainsi que les antécédents médicaux, en particulier ceux liés à la tension artérielle. Les expériences douloureuses antérieures post-chirurgicales ont été aussi investiguées. La pression artérielle et la fréquence cardiaque pré-chirugicales étaient enregistrées après une période de repos de 5 minutes. Les caractéristiques afférentes à l’intervention étaient la compétence de l’opérateur, le nombre de dents avulsées, la difficulté et la durée opératoire ainsi que le nombre de cartouches anesthésiques utilisées. La douleur post-opératoire était enregistrée à l’aide d’une échelle visuelle analogique toutes les 10 minutes pendant 6 heures. Le type, la dose et la quantité d’antalgiques utilisés étaient également renseignés ainsi que le moment de la première prise post-opératoire. Un total de 293 patients, 135 femmes et 158 hommes, a participé à l’étude. L’analyse statistique univariée montre une relation positive entre l’intensité de la douleur post-opératoire et l’âge, les antécédents d’hypotension, les expériences déjà vécues dans des circonstances similaires, le nombre de dents avulsées, l’avulsion d’une troisième molaire et la durée de l’acte chirurgical. En revanche aucune relation n’a été enregistrée en ce qui concerne le sexe et le niveau d’anxiété. L’analyse multivariée a révélé une corrélation positive entre l’intensité de la douleur post-opératoire et le maxillaire concerné (la mandibule étant plus impliquée), la profondeur de l’inclusion dentaire et la tension artérielle au repos. En ce qui concerne ce dernier paramètre, plus cette dernière est élevée, moins intense est la douleur post-opératoire. Cela suggère un rôle protecteur antalgique pour une tension artérielle élevée.
Commentaires :
Cette étude fourmille d’autres résultats très intéressants et demande une lecture attentive. Il eut aussi été intéressant aussi d’investiguer dans cette étude les effets d’une analgésie anticipée, c’est à dire systématique et indépendante du stimulus douloureux, tant vis à vis de l’activité antalgique post-opératoire (ce qui a déjà été démontré moult fois il est vrai) que du niveau de la pression artérielle dans ce cas bien précis.
The impact of sexual behavior on oral HPV infections in young unvaccinated adults.
Dalla Torre D., Burtscher D., Sölder E., Widschwendter A., Rasse M. Clin Oral Invest 2015, DOI 10.1007/s00784-015-1633-y.
Résumé :
L’infection par papillomavirus humain (HPV : human papillomavirus en anglais) est un sujet d’actualité en oncologie orale. En effet, plus de 5,2% des cancers humains seraient imputables à une infection par HPV mais si la part de cette infection est reconnue dans les cancers anaux et génitaux, en revanche, aucune donnée fiable n’existe en ce qui concerne les cancers buccaux. Cette hypothèse est pourtant soulevée voire affirmée régulièrement dans la genèse des carcinomes épidermoïdes buccaux. L’infection buccale par HPV est considérée comme transmise sexuellement, en particulier dans la population jeune.
Cette étude prospective longitudinale a été réalisée chez 310 jeunes patients âgés de 18 à 30 ans, n’ayant bénéficié d’aucune vaccination anti-HPV et n’ayant aucun antécédent de cancer. Les caractéristiques démographiques (âge, sexe) de même que les consommations tabagiques et alcooliques ainsi que les antécédents familiaux de cancer ont été enregistrées. L’étude repose sur un questionnaire de pratiques sexuelles : type et nombre de rapports bucco-génitaux, âge de début de ces rapports et sur un prélèvement de la muqueuse orale par frottis. Cette étude a concerné 138 femmes et 172 hommes pour un âge moyen de 26.5 ans (sans différence significative entre les deux sexes). En fonction du sexe concerné, entre 67.1 et 74.5% rapportaient une pratique sexuelle oro-génitale occasionnelle, de 12.9 à 23.2% assez régulière et de 9.7 à 11.3% fréquente. Dans 18.1% de la population de cette étude la présence d’HPV a été diagnostiquée. En fonction des niveaux de détection virale, deux catégories sont distinguées, les patients à haut risque et ceux à risque faible. La fréquence de cette infection était corrélée positivement avec l’addiction tabagique ainsi qu’avec la fréquence des rapports sexuels oro-génitaux. Plus l’addiction tabagique ou ces rapports sexuels sont importants, plus la corrélation avec l’infection buccale par HPV est forte. Ces corrélations sont majorées chez les patients à haut risque d’infection par HPV. En revanche aucune corrélation significative n’est retrouvée concernant le sexe et une infection buccale par HPV même si cette dernière est légèrement plus élevée chez les hommes. Aucune différence significative n’a été enregistrée entre les deux sexes concernant les consommations tabagique et alcoolique ainsi que le nombre de rapports sexuels oro-génitaux.
Cette étude souligne pour la première fois l’importance de l’infection buccale par HPV liée aux pratiques sexuelles oro-génitales et le rôle significatif joué par les addictions tabagique et alcoolique.
Commentaires :
Cette étude est une première dans le domaine de l’infection buccale par HPV. Elle établit le rôle de certains facteurs comme réellement significatif. En revanche, aucune donnée oncologique n’est générée par cette étude. Le suivi à plus long terme sera nécessaire. Une étude complémentaire intéressante serait de démontrer l’effet éventuellement préventif de la vaccination anti-HPV dans ce domaine également.