Revue de littérature SFCO mai 2018 – Pr. Vianney Descroix
Pratiquer le Yoga permet de modifier sa perception de la douleur.
Cotton V, Low LA, Villemure C, Bushnell MC. Unique autonomic responses to pain in yoga practitioners. Psychosom Med. 2018. doi: 10.1097/PSY.0000000000000587.
Vouloir résumer la douleur à une simple composante sensorielle est une grave erreur. Nous savons aujourd’hui que de nombreux autres facteurs rentrent en jeux (comportementaux, cognitifs, émotionnels) qui peuvent moduler le ressenti de manière péjorative ou au contraire participer au soulagement. Cela fait que la douleur est une expérience intrinsèquement subjective qui est influencée par des facteurs environnementaux. De nombreux chercheurs essayent d’objectiver le subjectif. Ce qui serait particulièrement important dans les populations « non verbales » (nourrissons, les patients anesthésiés ou atteints de démence). Parmi ces marqueurs objectifs, les réactions du système nerveux autonome (fréquence cardiaque, conductance cutanée (mesure pure de l’activité sympathique, sans contamination par le système nerveux parasympathique)) pourraient être intéressants. Les pratiquant du yoga (les yogis) utilisent la respiration, la relaxation et la pleine conscience pour tolérer la douleur, ce qui pourrait influencer les réponses autonomes. L’objet de cette étude est d’évaluer comment le lien entre les réponses autonome et la douleur est modulé par d’autres facteurs notamment cognitifs et/ou émotionnels.
Pour ce faire, 19 yogis (6 ans d’expérience) ont été comparé à 15 personnes contrôles concernant des sensations chaudes non douloureuses et douloureuses (application avec une sonde de 1 cm sur le mollet). Les aspects cognitifs et émotionnels étaient créés expérimentalement grâce à des indicateurs visuels qui précisaient aux sujets que le stimuli serait certainement douloureux, certainement non douloureux ou incertain (peut être douloureux ou peut-être pas). La fréquence cardiaque, la conductance cutanée, la respiration et la pression artérielle ont été mesurées.
Au cours de la tâche, les évaluations perceptuelles ne différaient pas entre les groupes dans les conditions certaines ou incertaines. Néanmoins, les yogis présentaient des réponses de conductance cutanée phasique plus élevées particulièrement lors de chaleurs douloureuses dans des contextes incertains. En outre, les « contrôles » ont montré une diminution de la fréquence cardiaque lors d’un stimuli chaud par rapport à un stimuli douloureux et une modification de la respiration entre essai chaud et douloureux.
Finalement ce que montre cette étude est que l’activité du SNA n’est pas un moyen efficace d’objectiver la subjectivité de la douleur puisqu’il peut être modulé par des facteurs environnementaux, physiques et psychologiques tout au long de la vie d’un individu. La pratique du yoga ne modifie pas la perception de la douleur cependant les yogis présentent une plus grande tolérance qui pourrait être expliqué par une influence corticale du SNA chez ces pratiquants.
La musique adoucie les mœurs et pas que… !
Kühlmann AYR, de Rooij A, Kroese LF, van Dijk M, Hunink MGM5, Jeekel J. Meta-analysis evaluating music interventions for anxiety and pain in surgery. Br J Surg. 2018 Apr 17. doi: 10.1002/bjs.10853.
L’OMS estime que 266 à 360 millions de chirurgies sont pratiquées chaque année. Les patients chirurgicaux souffrent souvent d’anxiété préopératoire et de douleurs postopératoires ; Des données récentes suggèrent que 75% des patients devant subir une chirurgie sont anxieux, malgré des mesures de réduction de l’anxiété. L’anxiété préopératoire peut augmenter le niveau de douleur postopératoire4 et, malgré des interventions visant à réduire la douleur postopératoire, environ 40 à 65% des patients éprouvent une douleur modérée à sévère après la chirurgie.
Le but de l’étude était d’effectuer une revue systématique et une méta-analyse de toutes les études cliniques évaluant les effets des interventions musicales sur l’anxiété et la douleur des patients avant, pendant et après des interventions chirurgicales invasives exclusivement.
La recherche a été effectué sur les études entre le 1 janvier 1980 et le 20 octobre 2016. Quatre-vingt-deux études cliniques (7385 patients) ont été inclus dans la revue systématique, dont 81 dans la méta-analyse. Les interventions musicales diminuent significativement l’anxiété (P <0,001) et la douleur (P <0,01) par rapport aux témoins, soit une diminution de 21 mm pour l’anxiété et de 10 mm pour la douleur sur une échelle visuelle analogique de 100 mm. Les interventions musicales réalisées pendant l’anesthésie générale ont significativement diminué la douleur par rapport à celle des témoins (P <0,001). L’analyse par régression multiple n’a trouvé aucune association significative entre l’effet des interventions musicales et l’âge, le sexe, le choix et le moment de la musique, et le type d’anesthésie. Le risque de biais dans les études était modéré à élevé. Même si le plus souvent la musique choisie était lente, douce et relaxante l’effet anxiolytique et antalgique ne semble pas corrélé au type de musique. Il n’a pas été retrouvé non plus dans cette étude l’influence du choix de la musique par le patient.
Finalement d’après cette étude, dans au cours de chirurgies invasives l’utilisation de la musique avant pendant et après la chirurgie est un élément favorable en termes de réduction de l’anxiété et de la douleur.