Revue de la littérature SFCO juillet 2018- Dr. Cédric Mauprivez
Kératokystiques. Comment expliquer les récidives ?
Naruse T, Yamashita K, Yanamoto S, Rokutanda S, Matsushita Y, Sakamoto Y, Sakamoto H, Ikeda H, Ikeda T, Asahina I, Umeda M. Histopathological and immunhistochemical study in keratocystic odontogenic tumors: predictive factors of recurrence. Oncology Letters 2017; 13: 3487-3493.
Résumé :
L’objectif de cette étude rétrospective était d’identifier les marqueurs les plus utiles pour prédire la récidive des tumeurs kératokystiques odontogènes (TKO) après un traitement conservateur (énucléation, marsupialisation et décompression). Un total de 65 échantillons de tumeurs provenant de 63 patients diagnostiqués avec des TKO parakératinisés ont été étudiés. Les données cliniques et histopathologiques, ainsi que la modalité de traitement ont été examinées. De plus, les profils d’expression de Ki-67, du CD34 et de la podoplanine ont été évalués par immunohistochimie. L’association pour chacun de ces facteurs et le taux de récurrence a été analysée. La présence de kystes filles, d’îlots épithéliaux et le niveau élevé de l’expression de Ki-67, CD34 et podoplanine se sont révélés être associée à une récidive tumorale. En particulier, l’analyse univariée a montré qu’un immunomarquage élevé au CD34 était significativement associés à la récidive tumorale (p = 0,034), tout comme un traitement chirurgical conservateur (p = 0,003). L’analyse multivariée a révélé que seul le traitement conservateur était le plus grand facteur de risque indépendant de récidive tumorale (odds ratio = 13,337, p = 0,018).
Commentaires :
Les TKO, anciennement appelé kératokystes, sont des tumeurs kystiques dérivant de l’épithélium d’un organe dentaire en formation. Les TKO sont des tumeurs peu fréquentes. Elles représentent entre 4 et 10 % de tous les kystes odontogèniques. Ces tumeurs sont caractérisées par leur agressivité locale et une forte tendance à la récidive. Le pourcentage de récidive varie de 2,5 à 62,5% après énucléation complète selon les études. Dans la présente étude, le taux de récidive observé était de 20% (13/65) et une durée de survenue après le premier épisode chirurgical médiane de 36 mois (10 à 137 mois). Aucun patient n’a bénéficié d’un traitement radical (mandibulectomie ou maxillectomie). De plus, aucun syndrome de Gorlin (qui associe TKO multiples, carcinomes basocellulaires et malformations squelettiques), et qui ont une tendance plus importante à la récidive que les TKO sporadiques, n’est rapporté.
Concernant l’analyse des caractéristiques histopathologiques, il est important de noter l’absence de kératokyste orthokératinisé, ce qui constitue indéniablement un biais de recrutement important, car de nombreuses études antérieures ont montré que ce type histologique était associé à des taux élevés de récidive. De plus, la présence de kystes filles ou d’îlots épithéliaux, bien que plus élevée par rapport à leur absence, n’étaient pas significative dans cette étude. L’information essentielle sur le plan anatomopathologique concerne l’immunomarquage au CD34. Une surexpression de CD34 serait un marqueur prédictif de la récidive tumorale. Des études immunohistologiques ultérieures seront néanmoins nécessaires pour affirmer la robustesse de ce marqueur.
Le résultat majeur de cette étude est clinique. En effet cette étude démontre après analyse multivariée que le traitement conservateur des dents en contact avec la tumeur est un facteur prédictif de récidive. Un traitement radical (l’extraction des dents) serait donc l’option thérapeutique à privilégier ; mais qui doit être discutée en fonction de l’âge du patient, la localisation et du nombre dents concernées.
Les cellules souches dentaires, une approche prometteuse en reconstruction crânio-maxillo-faciale.
Nakajima K, Kunimatsu R, Ando K, Ando T, Hayashi Y, Kihara T, Hiraki T, Tsuka Y, Abe T, Kaku M, Nikawa H, Takata T, Tanne K, Tanimoto K. Biochemical and Biophysical Research Coommunication 2018;497 : 876-882.
Résumé :
Les fentes labio-palatines sont l’anomalie congénitale la plus fréquente dans la région craniofaciale. En général, la greffe osseuse iliaque autogène est indiquée pour combler le défaut osseux au niveau de la fente alvéolaire. Cependant, une telle greffe osseuse iliaque est associée à une morbidité élevée. Par conséquent, de nombreuses alternatives thérapeutiques moins invasives ont été développées. Les cellules souches mésenchymateuses (CSMs) provenant de la pulpe dentaire seraient des candidats sérieux dans l’ingénierie tissulaire et la médecine régénérative. Le but de cette étude était de comparer le potentiel régénérateur du tissu osseux par des CSMs de la pulpe dentaire de dents temporaires (SHEDs) par rapport à celle des CSMs de la moelle osseuse (hBMSCs), et à des CSMs de la pulpe dentaire issues de dents de sagesse (hDPSCs). Les cellules souches dérivées des tissus pulpaires et de la moelle osseuse ont été transplantées avec une membrane barrière d’acide polylactique-coglycolique (PLGA) comme scaffold (matrice 3D) dans un défaut osseux de 4 mm de diamètre crée artificiellement au niveau de la calvaria de souris immuno-déficientes (balbc/nude). Une analyse tridimensionnelle par micro-CT et une évaluation histologique ont été réalisées. Le degré de régénération osseuse avec les SHEDs par rapport au défaut osseux était presque équivalent à celui des hDPSCs et des hBMSCs 12 semaines après la transplantation. Le rapport formation osseuse / défaut osseux initial n’était pas significativement différent entre les trois groupes. Cependant, l’analyse histologique, a montré que les SHEDs produisaient plus de fibres de collagène par rapport aux groupes hDPSCs et hBMSCs.
Commentaire :
On sait depuis les travaux de Gronthos et coll ; 2000 (sur les dents permanentes) et de Miura et coll., 2003 (sur les dents temporaires) que la pulpe dentaire est un réservoir naturel de CSMs. Ces cellules sont présentes en très faible proportion (0,01 -0,001%) et leur proportion diminue fortement avec l’âge. Depuis, elles ont été la cible de nombreux projets de recherche. Les études in vitro ont montré que les SHEDs et les hDPSCs étaient capables de se différencier en ostéoblastes, chondrocytes ou adipocytes. En revanche, peu d’étude in vivo ont évalué leurs capacités dans la régénération du tissu osseux et de comparer leur potentiel régénérateur avec les CSMs de la moelle osseuse. La présente étude confirme que la pulpe dentaire est une source prometteuse de cellules souches pour la régénération osseuse.
Un essai clinique chez l’homme, par une équipe brésilienne, dans la même indication : la reconstruction de la perte de substance alvéolaire dans la prise en charge des fentes labio-palatines (ClinicalTrials.gov Identifier: NCT01932164), à l’aide de SHEDs associée à un biomatériau à base d’hydroxyapatite et de collagène (Geislich Bio-Oss) s’est achevée en septembre dernier (2017). Les résultats de cette étude devraient vraisemblablement être publiés prochainement, et validés ou non, cette nouvelle approche thérapeutique. Cependant, même en cas de résultats encourageants, une application translationnelle dans nos cabinets et blocs opératoires n’est pas d’actualité compte tenu de la lourdeur logistique et des problèmes éthiques posés.