Revue de littérature SFCO avril 2019. Pr. Lesclous
Antibiotic prophylaxis may not be indicated for prevention of dental implant infections in healthy patients. A systematic review and meta-analysis.
Khouly I, Braun RS, Chambrone L.
Clin Oral Invest 2019, 23 :1525-53.
Résumé :
La nécessité ou pas d’une antibioprohylaxie pré-implantaire est une question récurrente dans la littérature médicale avec des résultats pas toujours concordants. D’où l’intérêt de générer des données plus solides que celles publiées à ce jour. C’est l’objet de cette revue systématique de la littérature et de cette méta-analyse dont l’objectif principal est de déterminer l’efficacité d’une telle antibioprophylaxie et, le cas échéant, le protocole le plus adapté, dans le cadre de la mise en place d’implants dentaires chez le patient sain c’est à dire immunocompétent.
La recherche électronique couplée à une recherche manuelle n’a intéressé que les études contrôlées et randomisées en utilisant une méthodologie Cochrane. Le critère d’évaluation principal était la survenue (ou non) d’une infection post-opératoire précoce ou tardive. Les critères secondaires étaient la survenue d’une déhiscence cicatricielle, d’une douleur ou d’évènements indésirables post-opératoires. La revue systématique a été menée selon les recommandations PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses). 1737 articles ont été sélectionnés en première intention et, une fois les duplicatas éliminés, les résumés de 1022 ont été lus. 22 articles ont été retenus selon les critères d’éligibilité appliqués. Après lecture complète, 10 articles remplissant complètement tous ces critères furent sélectionnés pour la méta-analyse. Ces 10 études incluaient au total 1934 patients.
Celle-ci n’a retrouvé aucune différence significative sur le critère principal (la survenue d’une infection post-opératoire) que ce soit à court terme (1 à 2 semaines post-opératoires) ou à plus long terme (3 à 4 mois post-opératoires) chez les patients chez qui avait été prescrite une antibioprophylaxie comparée aux patients sans antibioprophylaxie. Les auteurs ont même comparé différents protocoles antibiotiques (pré-opératoire exclusivement, pré et post-opératoire, post-opératoire exclusivement et même le recours à un placebo) entre-eux et versus l’absence d’antibioprophylaxie sans mettre en évidence de différence statistiquement significative. Ces mêmes analyses inter-groupes et intra-sous groupes ont été menées sur les critères secondaires sans là non plus trouver de différence significative. Les auteurs en concluent donc qu’une antibioprophylaxie chez le sujet immunocompétent n’est pas recommandée lors de la mise en place d’implants dentaires.
Commentaires :
Cette revue systématique de la littérature couplée à une méta-analyse est rigoureusement construite et ses conclusions méritent bien entendu d’être prises en compte. Ces données prennent d’autant plus de consistance dans le concert international de la lutte contre l’antibiorésistance. Cependant, il est à remarquer qu’aucun critère relatif à la mise en place chirurgicale des implants n’a été retenu. Il serait probablement intéressant de faire ce type d’analyse en tenant compte d’une mise en place immédiatement après une avulsion dentaire, ou d’une mise en charge immédiate ou encore du type d’os concerné. Celait permettrait peut-être de dégager des sous-groupes de patients plus pertinents chez lesquels une antibioprophylaxie dans ce cadre serait efficiente.
Antibiotic prophylaxis for the prevention of infective endocarditis for dental procédures is not associated with fatal adverse drug réactions in France
Cloitre A, Duval X, Tubiana S, Giraud P, Veyrac G, Nosbaum A, Gouraud A, Mahé J et Lesclous P.
Med Oral Patol Oral Cir Bucal 2019, doi :10.4317/medoral.22818
Résumé :
L’une des raisons majeures de recommander l’arrêt de toute antibioprophylaxie systématique chez les patients à haut risque d’endocardite infectieuse avant une procédure dentaire bactériémique par les britanniques en 2008 mais pas dans le reste du monde (à l’exception des suédois) était que cette prescription résulterait en un nombre de morts par anaphylaxie plus élevé que le nombre de morts évitées grâce à cette antibioprophylaxie. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les effets indésirables liés à une réaction anaphylactique (y compris les effets létaux) d’une telle antibioprophylaxie dans ce cadre en investiguant minutieusement la base de donnée de la pharmacovigilance nationale française depuis sa création en 1984 concernant l’amoxicilline et la clindamycine, les 2 molécules actuellement recommandées en prise pré-opératoire unique. L’objectif secondaire était d’en inférer une incidence de l’anaphylaxie associée à l’amoxicilline secondaire à une telle prescription chez la principale population des patients à haut risque d’endocardite infectieuse, les porteurs de valves mitrales prothétiques.
En ce qui concerne la prescription d’amoxicilline, 11061 effets indésirables anaphylactiques sont répertoriés dans cette base de données dont 100 dans le cadre d’une antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse dont 17 pour des procédures dentaires bactériémiques. Aucun cas d’anaphylaxie fatale n’a été déploré sur une période de 31 ans dans ce cadre. En ce qui concerne la prescription de clindamycine, 536 effets indésirables anaphylactiques ont été répertoriés. En plus, 42 cas d’infection à Clostridium difficile, effet indésirable potentiellement fatal associé à la prescription de cet antibiotique, ont été enregistrés. Aucun de ces cas, anaphylactiques comme infectieux, ne s’est déroulé dans le cadre d’une antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse.
L’estimation de l’incidence de l’anaphylaxie (non létale donc) liée à cette antibioprophylaxie à base d’amoxicilline dans ce cadre est de 1/57 000 (95% IC : 0,2-0,6). Ce chiffre est inférieur au risque rapporté dans la littérature pour un patient porteur d’une valve mitrale prothétique de développer une endocardite infectieuse qui est de 1/46 000.
Les auteurs en concluent donc qu’aucune réaction fatale secondaire à une telle antibioprophylaxie dans ce cadre n’a été enregistrée depuis plus de 31 ans. Ils en déduisent que le taux d’évènements indésirables anaphylactiques dans ce cadre n’est pas un argument rationnel pour recommander la cessation de ce type d’antibioprophylaxie ; au contraire même puisque l’incidence de ces événement indésirable est inférieure au risque de développer une endocardite infectieuse dans la population des patients porteurs de valves mitrales prothétiques.
Commentaires :
Cette étude de grande envergure apporte un argument original supplémentaire au maintien, pour l’instant, d’une telle antibioprophylaxie dans le cadre bucco-dentaire. Sa principale limite est d’être basée sur un taux global d’évènements indésirables déclarés spontanément à la pharmacovigilance d’environ 5%. On peut cependant supposer que ce taux est bien supérieur dans le cas d’évènements graves. Par ailleurs, cette étude fournit quantité d’autres données originales plus particulièrement relatives aux caractéristiques des réactions anaphylactiques enregistrées dans ce cadre, des tests diagnostiques aux moyens de traitement.