Revue de la littérature SFCO octobre 2019 Pr Descroix
Comment l’empathie permet de moduler l’intensité de la douleur ?
Fauchon C, Faillenot I, Quesada C, Meunier D, Chouchou F, Garcia-Larrea L, Peyron R. Brain activity sustaining the modulation of pain by empathetic comments. Sci Rep. 2019 Jun 10 ;9(1):8398.
Résumé :
Une question particulièrement importante concernant la relation de soin est de comprendre comment le comportement des soignants peut influencer les ressentis du patient. De manière plus spécifique encore, les mots utilisés au cours du soin par l’équipe soignante peuvent-ils modifier le ressenti douloureux de la personne et si oui comment ?
Camille Fauchon (laboratoire Neuropain, Inserm Lyon) en 2017 avait démontré que des volontaires sains soumis à une stimulation thermique douloureuse ressentaient moins la douleur s’ils entendaient parler de leur expérience douloureuse de manière empathique (versus non empathique). Cela réduisait en moyenne de 12% l’intensité de la douleur (Fauchon C et al., 2017).
Pour étudier les modifications cérébrales associées à cet effet, Camille Fauchon a effectué des mesures d’IRM fonctionnelle chez 30 sujets en bonne santé qui ont reçu des stimuli thermiques douloureux sur la main gauche tout en entendant des commentaires empathiques, neutres ou sans empathie (dans le casque audio, laissé ouvert “par inadvertance”). Les résultats confirment ceux de 2017, seuls les commentaires empathiques réduisaient de manière significative l’intensité de la douleur. L’analyse des signaux cérébraux a révélé que suite aux stimuli douloureux, à la fois les conditions « empathique » et « non empathique » augmentaient de manière significative l’activation des cortex insulaires antérieur droit et pariétal postérieur, tandis que les activations du cortex cingulaire postérieur et du précuneus (PCC / Prec) étaient significativement plus fortes pendant la condition empathique versus non empathique. L’activité cérébrale a augmenté dans le cortex préfrontal dorso-latéral dans la condition empathique et a diminué dans le PCC / Prec et le cortex préfrontal ventro-médian (vmPFC) dans la condition non empathique. Dans la condition empathique uniquement, la connectivité fonctionnelle a considérablement augmenté entre le vmPFC et le cortex insulaire. Ces résultats suggèrent que la modulation de la perception de la douleur par les messages empathiques implique un ensemble de régions cérébrales de haut niveau associées à des processus cognitifs tel que mémoires autobiographiques et à la conscience de soi, et repose sur des interactions entre de telles structures supra-modales et des nœuds clés du système de la douleur.
Commentaires :
Ce que montrent les travaux de l’équipe du laboratoire de Neuropain sont essentiels pour la pratique clinique. En effet, ils démontrent de manière formelle que la manière de communiquer (ou non) de l’équipe soignante est un élément essentiel pour moduler le ressenti douloureux des patients. Finalement, l’empathie participe de façon primordiale à la qualité des soins.
Quelle efficacité de l’hypnose médicale pour soulager la douleur ?
Thompson T, et al. The effectiveness of hypnosis for pain relief: A systematic review and meta-analysis of 85 controlled experimental trials. Neurosci Biobehav Rev. 2019 Apr;99:298-310.
Résumé :
La douleur, sous toute ses formes (aigue, chronique, cancéreuse ou non), affecte à peu près 1,5 milliard d’adultes dans le monde et présente un impact négatif particulièrement important sur la qualité de vie. Les soins de santé liés à la douleur et la perte de productivité entraînent des coûts annuels pouvant atteindre 635 milliards de dollars aux seuls États-Unis d’Amérique, supérieurs à ceux des maladies cardiaques, du cancer ou du diabète. Par ailleurs, l’inquiétude croissante suscitée par les effets indésirables, les propriétés de dépendance et les coûts des médicaments opioïdes a conduit à un besoin urgent d’identifier des interventions antalgiques non pharmacologiques efficaces, sûres et peu coûteuses.
L’hypnose est une intervention psychologique fréquemment utilisée pour la gestion de la douleur. Son mécanisme d’action implique une relaxation physique, une attention focalisée et une suggestion verbale ciblée pour modifier l’expérience de perception et le comportement. Des recherches récentes ont indiqué que la suggestion hypnotique produit une modulation de l’activité cérébrale dans des régions clés du cerveau impliquées dans la régulation de la douleur.
Cette nouvelle méta-analyse visait à quantifier l’efficacité de l’hypnose dans la réduction de la douleur et à identifier les facteurs qui influent sur l’efficacité. Six bases de données principales ont été systématiquement interrogées. Quatre-vingt-cinq études éligibles (principalement des essais cross over) ont été identifiées, comprenant 3632 participants (hypnose n= 2892, contrôle n= 2646). Une méta-analyse à effets aléatoires a mis en évidence les effets analgésiques de l’hypnose pour l’ensemble des critères de mesure de la douleur. L’efficacité était fortement influencée par la suggestibilité hypnotique et l’utilisation de suggestions analgésiques directes. En particulier, le soulagement optimal est obtenu avec l’utilisation de suggestions analgésiques directes administrée à des sujets de niveau de suggestibilité élevée ou modérée. Dans ces cas précis, l’hypnose induit respectivement une réduction cliniquement significative de 42% (p <.001) et 29% (p <.001). Des effets minimes sont retrouvés pour les sujets faiblement suggestibles.
Commentaires :
Ces résultats suggèrent qu’une intervention hypnotique peut apporter un soulagement significatif de la douleur à la plupart des gens et peut donc constituer une alternative efficace et sûre à une intervention pharmaceutique.