Revue Littérature Cédric MAUPRIVEZ Mai 2014
Article 1
La radiothérapie facteur de risque majeur à la pose d’implant.
ChambroneL, Mandia J, Shibli JA, Abrahao M.
Dental implants installed in irradiated jaws: a systematic review.
J Dent Res 2013;92: 119S-130S.
La question posée par les auteurs était « la radiothérapie cervico-faciale dans le traitement des cancers des VADS diminue-t-elle le taux de survie en cas de pose d’implants en secteur irradié non greffé ? ». Pour y répondre, une méta-analyse a été réalisée à partir des bases de données de la Cochrane, PubMed et Embase, sans restriction de langue et publication avant le 1er février 2013. Quinze études ont été sélectionnées : 13 séries de cas et 2 essais cliniques contrôlés et randomisés. 10 150 implants ont été inclus avec 1689 (14,3%) ont été placé en zone irradiée. Trois études rapportent de l’utilisation concomitante d’oxygénothérapie hyperbare (HBO). Le taux moyen de survie variait de 46,3 % à 98 % selon les études avec un taux d’’échec significativement plus élevée chez les patients et ou zones irradiés par rapport aux patients n’ayant pas bénéficié de radiothérapie ou hors champ (une augmentation de 174 %) avec un risque relatif (RR) de 2,74 (intervalle de confiance de 95% compris entre 1.86 et 4.05, p <0,00001). Au maxillaire, le RR était de 5,96 (IC à 95% : 2.71 – 13.12, p <0,00001). L’oxygénothérapie hyperbare n’a réduit le taux d’échec des implants placés en os irradié avec un RR de 1,28 (IC 95% : 0,19 – 8,82).
Commentaire
Malgré la lutte anti-tabac, l’incidence des cancers des VADS demeure toujours très élevée. 18 000 nouveaux cas de cancer ORL ont été diagnostiqué en France en 2011, avec cette même année 7 700 décès associés à ces cancers. Beaucoup de ces patients, après la prise en charge carcinologique (chirurgie, radiothérapie) présentent des édentements non compensés. Le remplacement des dents manquantes est donc un problème majeur pour cette population de patient. La mise en place d’implant, en raison des avantages importants sur le plan prothétique, est une option de traitement de plus en plus discutée.
Si les auteurs de cet article, concluent que la radiothérapie cervico-faciale est associée à un taux d’échec implantaire plus élevé par rapport aux taux d’échec observé chez des patients n’ayant pas subi de radiothérapie, cette méta-analyse présente certaines limites (faible niveau de preuve des études, études la plupart anciennes avec utilisation d’implants usinés ne possédant pas les états de surface « actifs » actuellement commercialisés, la non prise en compte des facteurs occlusaux, des protocoles de maintenance …).
De même, il serait intéressant d’évaluer chez ces patients, l’amélioration de la qualité de vie, le degré de satisfaction vis-à-vis de la prothèse réalisée (implanto-portée versus amovible ou rien). Aussi, la nécessité d’autres études cliniques (avec un niveau de preuve plus élevé), permettraient de répondre à la question de la mise en place des implants en terrain irradié avec quel surcout en terme de risque ? (perte d’implant, de péri-implantite…), quel bénéfice en terme de confort pour les patients ? et ainsi peut être changer de paradigme.
Article 2
La Syphilis : une recrudescence inquiétante.
Pallar ME, Su JR, Nelson R, Weinstock H.
Primary and secondary syphilis in United States 2005 to 2013.
MMWR 2014; 63 (18) : 402-406.
Cette étude publiée en mai 2014 par le centre de contrôle des maladies, le CDC (centre de contrôle des maladies), l’agence gouvernementale américaine chargée de la santé publique aux Etats Unis confirme la recrudescence de la syphilis. Cette infection sexuellement transmissible a doublé aux États-Unis entre 2005 et 2013, pour atteindre plus de 16.000 personnes touchées.
Transmise par une bactérie, treponema pallidum, la syphilis est contractée, en dehors de la syphilis congénitale, lors de comportements sexuels non protégés (y compris la fellation). Si les politiques de santé publique ont produit des résultats pour enrayer la transmission de la maladie chez les femmes et les hommes hétérosexuels, elles se sont avérées inefficaces chez les homosexuels et bisexuels masculins, qui représentent 75 % des cas. Par ailleurs, de nombreux patients découvrent leur statut vis-à-vis du VIH au décours du diagnostic de syphilis.
Commentaire
Devenue exceptionnelle, à la fin du XXe, la syphilis a été retirée en 2000 de la liste des maladies à déclaration obligatoire au regard du faible nombre de nouveaux cas : 37 cas en 2000. Depuis, selon l’InVS (Institut de Veille Sanitaire) elle gagne inexorablement du terrain : 48 nouveaux-cas en 2001, 500 en 2009, 857 en 2012. Cette incidence est vraisemblablement très en dessous de la réalité. En effet, à tous les stades évolutifs de la maladie, la syphilis peut passer inaperçue ou ressembler à de très nombreuses autres maladies (ce qui a valu à la syphilis le surnom de “grande simulatrice”). Une recrudescence similaire de la syphilis a été observée dans d’autres pays d’Europe (Belgique, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni …). L’émergence actuelle de la syphilis en France est cohérente avec la recrudescence d’autres MST déjà mise en évidence (gonococcies) et la tendance au relâchement de la prévention, notamment chez les homosexuels (HAS, 2007). Même si les symptômes buccaux et cutanés de la syphilis sont très variables d’une personne à l’autre, les professionnels de la Santé, et plus particulièrement les dentistes et les dermatologues se doivent de connaître les principales lésions élémentaires (érosion, ulcération, fissure …), associées aux 3 stades évolutifs de la maladie et inclure la syphilis dans le diagnostic différentiel des lésions buccales atypiques.