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La dent naturelle est-elle réellement supérieure à l’implant ?
« Rien ne remplace une dent ». Cet adage couramment entendu, et répété afin de convaincre le patient de l’importance de conserver ses dents, a été remis en question avec le développement de l’implantologie. Le ligament parodontal constitue la principale différence entre la dent naturelle et l’implant. Il joue un rôle de protection biologique et mécanique, en absorbant les chocs et limitant la transmission des contraintes excessives au tissu osseux. L’objectif de cet article était de déterminer, à travers une revue de littérature, comment les dents naturelles et les implants réagissaient aux contraintes biologiques et mécaniques.
Sadowsky SJ and Brunski JB. Are teeth superior to implants? A mapping review. J Prosthet Dent 2021;126:181-7.
Les données de la littérature montrent que la prévalence des mucosites et périimplantites est de l’ordre de 20 à 47%, respectivement. Ceci a conduit les auteurs à s’interroger sur les capacités de défense des tissus préiimplantaires. Il semblerait en effet que la destruction osseuse soit plus importante lors d’une périimplantite que lors d’une atteinte parodontale, avec une moindre densité osseuse et des ostéoclastes en plus grand nombre. De plus, le fluide créviculaire contient un taux élevé de métalloprotéinases-8. Le ratio couronne prothétique/implant joue un rôle important dans la perte osseuse périimplantaire : plus celui-ci est important et moins la perte osseuse périimplantaire sera marquée. De manière générale, les propriétés mécaniques des implants sont supérieures à celles des dents naturelles. La supériorité de la dent naturelle sur l’implant est donc controversée, et les auteurs ont voulu déterminer, à travers cette revue, la supériorité de l’une ou l’autre d’un point de vue du résultat prothétique.
Le ligament parodontal se compose de fibres de collagène, de fibres de réticuline et d’oxytalane, orientées selon des directions reflétant leurs propriétés fonctionnelles. Les cellules dominantes sont des fibroblastes, qui présentent des propriétés particulières, avec un potentiel de différenciation en cémentoblastes, ostéoblastes, et ostéoclastes. Des cellules souches mésenchymateuses sont également impliquées dans la régulation de l’inflammation. La vascularisation ligamentaire est riche en anastomoses. Il existe de multiples interactions entre tous ces éléments, favorisant une dynamique et une protection efficace contre les microorganismes. Au niveau périimplantaire, il n’existe aucun tissu fibreux réalisant l’attache de l’implant au niveau osseux. L’orientation des fibres collagéniques est parallèle à la surface implantaire, et non perpendiculaire comme au nouveau dentaire. Il semble que ce faible ancrage contribue à la faiblesse des défenses biologiques. De plus, la vascularisation périimplantaire est bien moins riche, et provient uniquement de branches terminales périostées. Enfin, un positionnement infragingival de la connexion implant / pilier pourrait faciliter la pénétration des microorganismes pathogènes.
D’un point de vue mécanique, le ligament parodontal sert d’amortisseur lors de la mastication, des mouvements physiologiques lors des fonctions orales et des mouvements orthodontiques. Au-delà d’un certain niveau de stress, les cellules ligamentaires vont avoir une différenciation ostéogénique, et au-delà d’un certain seuil, il s’agira d’une différenciation ostéoclastique. L’hypoxie provoquée par le stress et une compression excessive induit une activation du système RANK-RANKL. De nombreux travaux confirment l’importance de la biomécanique du ligament parodontal pour la compréhension des événements biologiques péridentaires, y compris au niveau osseux. Au niveau périimplantaire, la perte osseuse survient lorsque les forces exercées dépassent le seuil homéostasique osseux. Néanmoins, malgré l’absence de ligament, les forces transversales supra implantaires sont moins délétères que les forces s’exerçant sur une dent naturelle.
Ainsi, les dents naturelles supportent mieux les contraintes biologiques que les implants, mais la résorption osseuse est moindre autour des implants en cas de contrainte mécanique forte. Les bases biologiques permettent ainsi de mieux comprendre les différences de fonctionnement des dents naturelles et des implants, permettant ainsi de proposer à nos patients des options thérapeutiques adaptées.
Commentaire : Cet article récent passe en revue les différents facteurs biologiques et mécaniques permettant de déterminer si oui ou non la dent naturelle est supérieure à l’implant. Au vu des données de la littérature, il semblerait que, chez un sujet compliant, la conservation d’une dent naturelle avec atteinte parodontale soit préférable à l’implantation. Toutefois, des restaurations implanto-portées sur implants courts ou des restaurations de type cantilever présentent une résistance mécanique supérieure en termes de résorption osseuse. S’il incite à la réflexion et ouvre des perspectives intéressantes, cet article ne résout malheureusement pas la quadrature du cercle !