Attention, l'article n'est pas en accès libre
Efficacité de la thérapie au laser dans le traitement de l’alvéolite sèche : revue systématique
EFFICACY OF LASER THERAPY FOR ALVEOLAR OSTEITIS: A SYSTEMATIC REVIEW OF THE AVAILABLE EVIDENCE.
Al-Shamiri HM, Al-Maweri SA, AlAhmary AW, Aljunayh MS, Aldosari AO, Alqahtani NM, Alabdulaziz JI, Al-Sharani HM. J Evid Based Dent Pract. 2022;22(2):101711. doi: 10.1016/j.jebdp.2022.101711. Epub 2022 Mar 6. PMID: 35718430
Contexte et objectif
L’alvéolite sèche (AS) est définie par la présence d’une douleur intense et insomniante entre le 1er et le 3ème jour après une avulsion dentaire, dans et autour du site opératoire, et d’une alvéole partiellement ou totalement déshabitée du caillot sanguin. C’est une pathologie fréquente, avec un taux d’incidence de 3% pour toutes les avulsions dentaires et d’environ 30% pour l’avulsion des 3èmes molaires mandibulaires incluses. Bien que l’étiologie exacte de l’AS reste inconnue, des facteurs prédisposants ont été rapportés dans la littérature : les avulsions traumatiques, l’âge avancé, le tabagisme, la prise de contraceptifs oraux, la présence de maladies générales (diabète, troubles de la coagulation…) et le non-respect des conseils post-opératoires. Il s’agit d’une affection invalidante qui altère la qualité de vie du patient et nécessite une prise en charge immédiate. Compte tenu de l’étiologie méconnue, la prise en charge de l’AS est assez difficile et, jusqu’à présent, il n’existe pas de traitement spécifique. Les principaux objectifs du traitement sont l’atténuation de la douleur et l’accélération de la cicatrisation du site extractionnel. Les moyens médicamenteux comprennent la prise d’antalgiques per os et l’application intra-alvéolaire de produits (eugénol, lidocaïne, chlorhexidine…) après anesthésie locale et curetage de l’alvéole. Cependant, leur efficacité est limitée, l’application doit être répétée et peut produire des effets adverses (irritations, allergies…). Ces dernières années, la thérapie au laser a montré son efficacité dans la réduction de la douleur, de la durée des réactions inflammatoires, l’augmentation de la densité osseuse et l’accélération du processus de cicatrisation par la stimulation de la prolifération des fibroblastes, la néovascularisation et l’amélioration de la réponse immunitaire.
Cette revue systématique avait comme objectif d’évaluer l’efficacité de la thérapie au laser dans le traitement de l’AS.
Méthodes
La revue a été menée selon les recommandations PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Review and Meta-Analysis) et la méthode PICO (Patient, Intervention, Comparaison, and Outcomes=issue clinique, critère de jugement).
Critères d’éligibilité
Les études ont été sélectionnées sur la base des critères suivants: 1) Patients concernés par une AS ; 2) Intervention : thérapie au laser; 3) Comparaison : autres traitements ou placebo; 4) Critère de jugement principal : réduction de la douleur et/ou du temps de guérison ; critère secondaire : effets secondaires du laser ; et 5) Design de l’étude : essais contrôlés randomisés et essais cliniques contrôlés.
Stratégie de recherche et sources d’information
Une recherche a été effectuée dans les bases de données PubMed et/ou Medline, Scopus, Embase, Cochrane Central, Web of Science (ISI) et China National Knowledge Infrastructure (CNKI) pour identifier tous les articles jusqu’à juin 2021 inclus, sans restriction de date ou de langue, en utilisant des mots-clés pertinents.
Processus d’examen et de sélection
Après lecture des titres et des résumés et l’exclusion des doublons et des articles non pertinents, les textes intégraux ont été évalués indépendamment par 2 auteurs (et un 3ème en cas de désaccord). En complément, une recherche manuelle à partir des références des articles retenus a été effectuée pour rechercher des articles supplémentaires.
Extraction des données
Les données suivantes ont été extraites : design de l’étude, auteurs, année et pays de l’étude, taille de l’échantillon, âge et sexe des participants, type de laser, longueur d’onde, fluence énergétique, puissance de sortie, temps d’exposition, nombre de séances, taille de la zone traitée, durée de suivi, outils d’évaluation et principaux résultats.
Évaluation de la qualité
La qualité méthodologique des études incluses a été évaluée indépendamment par 2 investigateurs (et un 3ème en cas de désaccord) en utilisant l’outil révisé de Cochrane sur le risque de biais pour les essais randomisés (RoB 2). Chaque étude a été évaluée comme à risque de biais “faible”, “élevé” ou “présentant quelques préoccupations”. Il n’a pas été possible de réaliser une méta-analyse en raison de l’hétérogénéité substantielle des études incluses, ainsi que de l’absence de données claires dans certaines des études.
Résultats
Parmi les 296 articles identifiés, 14 essais cliniques comprenant 981 patients ont été inclus (11 essais contrôlés randomisés ; 3 essais cliniques contrôlés non-randomisés). Le traitement par laser était comparé à l’utilisation de : mèche gaze iodoformée (6 études), curetage et irrigation de l’alvéole (3 études), Alveogyl© (2 études), pate à base d’oxyde de zinc – eugénol (1 étude) et pansement antibiotique (1 étude). Les patients étaient jeunes (âge moyen entre 24 et 37 ans) et les dents concernées étaient surtout mandibulaires (notamment 3ème molaires). L’efficacité du laser dans la diminution de la douleur était évaluée avec l’échelle visuelle analogique (EVA) dans toutes les études ; 7 études examinaient également l’amélioration de la cicatrisation de l’alvéole. Le suivi allait de 3 jours à 3 mois. La longueur d’onde du laser, la puissance de sortie, la fluence énergétique et la dose ont montré une grande variabilité entre les études incluses, 632,8 – 2940 nm, 16 mW – 10 W, 0,2 – 85,7 J/cm2, et 1 – 6 J respectivement. La durée d’application allait de 5 à 600 secondes et la taille de la zone traitée variait de 0.04 cm2 à 0.78 cm2. Les sondes laser étaient en mode sans contact dans la plupart des études incluses (entre 2 mm et 10 cm de la zone cible). Le mode continu du laser a été utilisé dans 8 études.
Dans les 14 études, tous les types de lasers (diode ; Er:YAG ; Er,Cr:YSGG ; Nr :YAP ; GaAlAs ; He-Ne…) se sont avérés efficaces pour soulager la douleur et accélérer la guérison chez les patients atteints d’AS, sans aucun effet secondaire ; 13 études ont rapporté des résultats supérieurs des lasers par rapport aux thérapies conventionnelles.
Discussion
Les résultats de la revue ont montré que la thérapie au laser est efficace pour réduire les signes et les symptômes de l’AS. Néanmoins, en raison des lacunes méthodologiques de certaines des études incluses ainsi que de l’hétérogénéité considérable des paramètres des lasers dans ces études, les résultats doivent être interprétés avec prudence. Il n’y a pas de consensus concernant les paramètres optimaux du laser.
Les effets positifs du laser dans le traitement de l’AS peuvent être attribués à ses propriétés analgésiques, anti-inflammatoires et antimicrobiennes. Le laser joue un rôle dans la production d’endorphines endogènes ainsi que dans l’inhibition des médiateurs inflammatoires comme la bradykinine et la prostaglandine, et donc dans la réduction de la douleur. De plus, l’effet analgésique du laser peut être attribué à ses propriétés biologiques d’accélération de la cicatrisation des plaies (augmentation de la prolifération et de la différenciation des fibroblastes ; amélioration de l’organisation et de la maturation des fibres de collagène ; et stimulation de l’épithélialisation).
Conclusion
La thérapie au laser apparait comme une bonne alternative aux thérapies conventionnelles de l’AS. Cependant, des essais cliniques avec des d’échantillons larges et des paramètres laser standardisés sont nécessaires afin de confirmer les résultats de cette revue systématique.