Revue de littérature SFCO avril 2018 – Pr. Sylvie Boisramé
ARTICLE 1 :
Short dental implants in patients with oral lichen planus: a long-term follow-up.
Anitua E, Piñas L, Escuer-Artero V, Fernández RS, Alkhraisat MH. Br J Oral Maxillofac Surg. 2018 Mar 1. pii: S0266-4356(18)30045-7. doi: 10.1016/j.bjoms.2018.02.003.
Résumé :
L’implantologie présente des indications et contre-indications chirurgicales. Concernant les pathologies de la muqueuse buccale, les publications scientifiques sont peu nombreuses et rapportent souvent des cas cliniques. Une meilleure connaissance de l’implantologie dans ce contexte permettra d’améliorer les indications et la réalisation ou non de cette thérapeutique chirurgicale. Une revue de la littérature publiée par N. Moreau et collaborateurs dans MbCb en 2016 faisait état de ce questionnement.
Ici, la publication lue et analysée pour vous traite de la réalisation d’implants courts chez des patients atteints de lichen plan oral réticulé et érosif. L’équipe espagnole a publié cette étude dans la revue British journal of oral and maxillofacial surgery, revue indexée et d’impact factor à 1.218.
Ils ont analysé rétrospectivement la survie d’implants courts posés (≤ 8,5 mm de long) chez des patients présentant un lichen plan buccal. Cette maladie est associée au phénomène de Koebner et les traumatismes peuvent exacerber ces lésions.
Les objectifs secondaires étaient d’analyser la perte marginale osseuse péri-implantaire et l’apparition de complications.
Soixante-six implants courts ont été placés chez 23 patients (20 femmes, 3 hommes) avec un âge moyen de 58 ans. La perte osseuse péri-implantaire moyenne était de 0,96 mm en mésial et de 0,99 mm en distal. Soixante-cinq des 66 implants ont survécu avec une survie moyenne de 68 mois soit un peu plus de 5 ans et de 63 mois après mise en charge. Aucune différence significative n’a été remarquée entre les patients ayant un lichen érosif et réticulé. Ils concluent donc que des implants courts peuvent être placés chez des patients atteints de lichen plan buccal.
Commentaires :
Cependant il existe des limites. Tout d’abord, comme il s’agit d’une étude rétrospective, des données manquent sur le lichen (traitement mis en place au long cours, ancienneté de la maladie par rapport à la pose d’implants). Les auteurs décrivent 6 patients ayant un lichen plan non stabilisé par les traitements mais ne donnent pas d’informations sur la survie implantaire ou les complications dans ce groupe.
De plus, concernant l’attache épithéliale péri-implantaire (présence/absence de gencive attachée ; inflammation) aucune donnée n’est renseignée.
Enfin, la perte marginale et la cratérisation éventuelle avec en corolaire l’inflammation et le microbiote ne risquent-elles pas de générer une perte de stabilité du lichen plan buccal ?
La survie implantaire étant de 5 ans, des études à long terme sont nécessaires pour évaluer et affiner ces résultats.
ARTICLE 2 :
Oral Nodular Lesions in Patients with Sjögren’s Syndrome: Unusual Oral Implications of a Systemic Disorder.
Pinheiro JB, Tirapelli C, Silva CHLD, Komesu MC, Petean FC, Louzada Junior P, León JE, Motta ACF. Braz Dent J. 2017 May-Jun;28(3):405-412.
Résumé :
Le syndrome de Gougerot Sjögren (SS) est une maladie auto-immune chronique systémique affectant les glandes exocrines (lacrymales, salivaires, …) et associant fatigue chronique et douleurs articulaires. Il existe une forme primaire ou primitive et une forme secondaire en lien avec d’autres maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux, thyroïdite, …). Un article paru récemment dans le new england journal of medicine (Primary Sjögren’s Syndrome. Mariette X, Criswell L.A. N Engl J Med 2018 ; 378:931-939) reprend la symptomatologie du SS primaire et son délai de diagnostic estimé entre 6 et 7 ans.
Cet article écrit par une équipe brésilienne de Sao Paulo dans la revue Brazilian Dental Journal (revue indexée et avec un impact factor à 0.26) rapporte deux cas de SS ayant chacun une anomalie buccale nodulaire asymptomatique située pour l’un sur la lèvre et l’autre au niveau du plancher buccal. Ces cas sont bien iconographiés cliniquement et histologiquement. Le premier cas rapporté concerne une lésion nodulaire asymptomatique sur la muqueuse de la lèvre supérieure avec une muqueuse sous-jacente normale. Le diagnostic anatomo-pathologique est compatible avec un lymphome MALT récidivant.
Le second cas relate l’apparition d’une tuméfaction asymptomatique au niveau du plancher buccal droit avec également avec une muqueuse sous-jacente normale. Le diagnostic est celui d’un mucocèle.
L’importance du diagnostic précoce de cette maladie par les professionnels de santé buccale est mis en exergue avec la nécessité de connaître les complications muqueuses parodontales et dentaires de cette maladie sournoise qu’est le SS. Basé sur un examen clinique rigoureux, les diagnostics différentiels des lésions nodulaires seront évoqués tels que l’hyperplasie fibreuse épithéliale focale ou maladie de Heck, les lipomes, neurofibromes, neurinomes ou tumeurs bénignes des glandes salivaires. L’exérèse de ces lésions et leur analyse histologique permettent de confirmer le diagnostic.
Cet article met en avant l’importance de connaître ces lésions nodulaires dans ce contexte avec la nécessité de confirmer le diagnostic. A ce jour, 24 cas de lymphome MALT (associé aux tissus muqueux oraux) en excluant les amygdales ont été rapportés avec 40% d’entre eux associés à une maladie auto immune et 30% d’entre eux présentant une lésion nodulaire buccale. Concernant le mucocèle qui est une lésion réactionnelle des glandes salivaires mineures correspondant à une extravasation de mucus au sein d’un tissu de granulation contenant des macrophages, l’hypothèse émise par les auteurs est que le SS sous-jacent aurait influencé ce développement et que la pathogénie doit être encore étudiée. Selon un autre auteur ayant rapporté des cas de mucocèles associés au SS, l’infiltrat lymphocytaire pourrait être responsable d’une destruction des canaux des glandes salivaires engendrant ainsi le développement de mucocèle.
Commentaires :
Peu de cas de lésions nodulaires associées au SS sont rapportés. Aussi, cet article permet aux professionnels de santé buccale ainsi qu’aux équipes multidisciplinaires travaillant sur le SS de compléter leur savoir.