Étude rétrospective évaluant les extractions dentaires préopératoires chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque en phase terminale subissant des chirurgies cardiaques avancées
La prise en charge de patients atteints de pathologies cardiaques graves est une problématique journalière pour les équipes hospitalières. Il existe souvent un dilemme entre les recommandations professionnelles qui indiquent une nécessité d’éradication des foyers infectieux dentaires et un état de santé précaire à haut risque de décompensation. Quelle est la meilleure solution ? Réaliser la remise en état de la cavité buccale avant la chirurgie cardiaque, ou attendre que la chirurgie cardiaque soit réalisée, au risque de voir se développer une infection focale post opératoire? Cet article tente de répondre en partie à cette question.
Mincer RC, Zahr RH, Chung EM, Kubak B, Sung EC. A retrospective chart review evaluating pre-operative dental extractions on patients with end-stage heart failure undergoing advanced surgical cardiac therapies. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol. 2022 Dec;134(6):702-707. doi: 10.1016/j.oooo.2022.05.016. Epub 2022 Jun 6. PMID: 36229366.
L’objectif de cet article était d’évaluer si une(des) avulsion(s) dentaire(s) augmentai(en)t le risque de survenue d’évènements indésirables chez des patients en attente d’une chirurgie cardiaque avancée (CDA) (transplantation cardiaque orthotopique ou artificielle, dispositif d’assistance ventriculaire).
Il s’agit d’une étude rétrospective cas-témoin ayant inclus 305 patients d’un hôpital de Los Angeles. Ont été exclus les patients ayant reçu une intervention cardiaque finalement moins invasive que celle prévue, n’ayant pas eu d’intervention ou ayant reçu un traitement dentaire autre que l’avulsion. Ces 305 patients ont été divisés en un groupe « dentaire » (D, ayant eu des avulsions dentaires, n= 114) et un groupe « non-dentaire » (ND, n’ayant pas eu d’avulsions dentaires, n=191).
Les complications médicales (AVC, septicémie, décès…) ont été évaluées sur 2 périodes de 31 jours, la première après la consultation dentaire sans avulsion (groupe ND) ou la consultation avec avulsion (groupe D), et la deuxième après la CDA. Les complications dentaires comportaient celles survenues durant le geste, celles nécessitant un suivi et les hémorragies considérées comme majeures.
Pour la partie résultats, les 2 groupes comportaient plus d’hommes que de femmes, l’âge moyen du groupe D était significativement plus élevé. Le nombre moyen de jours entre la consultation/geste dentaire et la CDA ne différait pas significativement. Le nombre de complications dentaires était significativement plus élevé dans le groupe D, cependant le nombre de complications médicales suivant la CDA ne différait pas.
Les auteurs concluent sur une absence d’augmentation d’évènements indésirables chez les patients ayant subis des avulsions avant CDA, et que l’élimination de foyers infectieux dentaires peut être envisagée sans risque majeur.
Commentaire :
Plusieurs critiques de cet article peuvent être faites : l’exclusion des patients n’ayant pas reçu la CDA pose problème, notamment ceux décédés entre l’intervention dentaire et la CDA. On ne sait pas pourquoi ils n’ont pas pu avoir l’opération cardiaque, ce qui peut biaiser fortement l’étude. Le chevauchement des périodes d’évaluation des complications, pose aussi question, et le type d’étude (rétrospective) fait qu’elle a un faible niveau de preuve. Néanmoins, le nombre important de sujets inclus (malgré les difficultés de recrutement qu’une telle étude comporte) et la présence d’un groupe témoin (à la différence d’autres études sur ce sujet) permet quand même de se rassurer quant à la possibilité de réaliser une remise en état de la cavité buccale chez des malades atteints d’insuffisance cardiaque au stade terminal.